08H10
J’ai à peu près bien dormis et l’infirmière ne m’a réveillée qu’une
seule fois. Elle a beau essayer d’être discrète mais je n’ai pas l’habitude que
quelqu’un ouvre la porte de ma chambre au milieu de la nuit.
Le week-end s’annonce pluvieux, long et vide. Beaucoup de patients
sortent ce matin pour une permission, la clinique devrait être quasiment vide
mais aussi bien plus calme. Au moins pendant 36 heures je n’aurais pas à
supporter le rap ou la techno des jeunes débiles drogués.
J’ai remarqué un petit jeune qui me fait de la peine. Il s’isole de
plus en plus. Je sens en lui une forte colère mais il résiste et la maîtrise.
Je suis surement le patient qui est le moins « médicamentés »
ou alors le plus résistant, cela se sent.
Ce matin je vais quand même essayer de voir le psychiatre afin qu’il
m’autorise à sortir une heure pour faire le plein dans l’hypermarché du coin.
17H05
Voilà je suis allé faire le plein de biscuits et de saloperies
sucrées qui vont, je l’espère, m’aider à me faire passer l’envie de cigarettes
pendant les longues heures de fermeture des portes du parc.
Dans tous les établissements psychiatriques je retrouve toujours
les mêmes archétypes de perdant du cours de la vie.
Il y a cette vieille. Je pourrais dire vieille femme mais sa
conduite est si indigne que je ne peux la gratifier du qualificatif de femme.
Dès qu’elle est entourée des autres patients, elle parle dans un mélange de
sons incompréhensibles, s’exhibe sans retenue, et demande à se faire aider pour
marcher. Je l’ai observé une fois seule ou devant le psychiatre et la tout
change. Elle parle distinctement et marche sans appui. Une simulatrice ?
Un naufrage de l’âge ?
Il y a ce jeune quadra qui ne quitte jamais ses lunettes de soleil.
La nuit, sous les néons, elles sont invariablement rivées sur son nez. S’il est
ici, c’est la faute de son ex-femme, de sa famille, de ses enfants…. Jamais de
la sienne. Il en parle que pour nous asséner un réquisitoire sur son entourage
qu’il livre à la vindicte des autres patients. Forcément, le troupeau s’empresse
lui aussi de se trouver des responsables… Trop facile, simpliste… mais si confortable.
Il y a la trentenaire, totalement habitée par les médecines
alternatives, la psychologie, la phytothérapie, etc… Il en s’intéresse qu’aux
mots commençant par « psy » ou se terminant par « thérapie ».
Elle sait tout, connait tout, à tout essayé, a une théorie sur tout et tous,
mais, malheureusement cela fait des années qu’elle navigue dans les eaux
troubles de nos plus beaux hôpitaux psychiatriques. Dommage de maitriser autant de théories mais
aussi peu de pratique…
Et puis il y a la foule des douleurs, des larmes, des excès, des
naufrages et des peurs ; et j’en fais partie. Bien entendu je regarde tout
cela d’un œil détaché, voir condescendant, mais je suis pour le moment l’un de vous.
Pardonnez-moi camarades d’infortunes
mais j’espère ne quand même pas trop vous ressemblez.
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