Saint Paul les Dax
Voilà déjà une semaine que j’ai vu pour la dernière fois
l’infirmière du CAP. Je n’ai plus de rendez vous de fixé. Elle m’a bien fait
comprendre que je ne relevais pas de la psychiatrie et qu’elle ne pouvait plus
rien pour moi.
Avant d’arriver à ce rendez vous j’en étais arrivé à la même
conclusion. Je ne suis pas malade. Je ne suis pas dépressif et encore moins
bi-polaire. Le seul problème est que je n’ai pas encore trouvé de « projet
de vie » dont je serais le seul acteur et responsable.
En y réfléchissant bien, il est vrai que depuis mon divorce je me
suis efforcé de trouver des personnes à sauver ou à aider. Caroline, Kristelle,
Christelle, Julie, M, toutes cherchaient en moi du réconfort, des paroles de
sagesse. Elles voyaient en moi cet être cultivé, fort, sage et courageux. Cet
homme capable de décisions, rapides, radicales, et parfois complètement folles
ou surprenantes. Un homme qui ne souffrait d’aucun compromis.
Malheureusement entre les paroles et l’homme le fossé est énorme.
Moi aussi tout au long de ces années je me suis noyé en compromissions et en
mensonges. Je me suis aussi noyé dans l’alcool, les médicaments et
l’apitoiement sur moi-même. J’ai eu beaucoup plus de courage en paroles qu’en
actes. J’ai eu peur.
Je n’ai pas eu peur de la solitude, non pas vraiment. J’ai eu
surtout peur de ne plus compter pour personne. J’ai eu peur qu’au dernier jour
de ma vie personne ne tienne ma main pour faire le grand saut.
J’ai eu peur de ne plus jamais pouvoir entendre un « Je
t’aime » chuchoté au creux de mon oreille, le soir quand la nuit
tombe.
Ces peurs m’ont fait séduire, charmer, voir envoûter des êtres
humains, qui par ailleurs, ne devaient surement que demander cela.
En fait en me construisant une image de sauveur, de confident ou
d’amant je ne faisais que d’essayer de vaincre mes propres peurs.
La vrai solitude n’est pas de vivre seul, mais de n’être la pour
personne.
Alors oui aujourd’hui je suis vraiment seul avec moi-même. Il n’y a
plus personne pour me demander de l’aide, un conseil ou du réconfort. En
serais-je encore capable ?
Arrivé à ce point de ma vie, je ne vois pas dans les années passées
en quoi je pourrais être exemplaire, et en quoi j’ai pu développer une sagesse
quelconque.
D’autre part je ne veux plus m’user à essayer de disserter ou de
montrer le chemin de la sagesse et du courage à ceux qui au fond d’eux même ne
veulent entendre qu’un message qui ne compromettrait ni leur passivité et leur
confort du moment.
Il est vain de feindre la joie ou la tristesse quand au fond de
nous-mêmes l’indifférence l’emporte. Même si l’on fait, ou l’on pense faire
plaisir, en adoptant ces attitudes sociétales, nous détruisons notre Moi le
plus profond.
L’inverse est tout aussi vrai. Il ne faut pas feindre l’indifférence
quand des vagues de sentiments nous
submergent.
J’ai beaucoup d’admiration pour ces sages ou ces philosophes qui
arrivent à dominer leurs sentiments. Moi je n’arrive pas à dominer mes peurs,
mes joies et mes peines.
J’essaie maladroitement de les dissimuler sous des couches de
dureté et de glace. Mais elles restent la. Au centre de mon corps et de mon
corps, elles sont la, comme le noyau d’un réacteur nucléaire. Elles sont la,
débordantes d’énergies, créatrices de mouvements créateurs ou destructeurs.
Je les masque, je les refoule. Plus elles gagnent en énergie, plus
j’essaie de construire un rempart, de plus en plus épais, qui me coupe du monde
extérieur.
Elles sont la, et les combattre, monopolise l’essentiel de mon
énergie. Par fois, lors de mes soirées alcooliques, le rempart rompt, et libère
un ouragan destructeur.
Les médicaments les font refluer, mais jamais disparaître.
Rappelez-vous de « La bombe humaine », de Téléphone, et
bien c’est exactement cela. La bombe humaine c’est bien moi et elle m’appartient,
mais le détonateur est bien plus proche du cerveau que du cœur, et ce
détonateur est bien trop souvent instable.
Je ne veux pas vivre avec quelqu’un par confort ou par sécurité. Si
un jour, quelqu’un, vient à nouveau partager ma vie ce sera uniquement pour
faire grandir, partager chaque jour de nouvelles passions, partager une
confiance de chaque instant, et que nous
sachions l’un et l’autre que le jour ou l’un sera dans le besoin la main de
l’autre ne faiblira pas.
Une passion qui se conjuguera au présent et au futur, mais jamais
au passé ni au conditionnel. Une passion qui se vivra au grand jour, sans
honte, dissimulation ni faux semblant.
En attendant ce jour, si il arrive, je vais vivre seul, en sachant
très bien que personne n’a vraiment de moi et que réciproquement je n’ai besoin
de personne.
Je dirais même que je n’ai plus besoin de vivre. J’ai renoncé à
chercher un sens à la vie. Si la vie a un sens alors je n’ai été ni assez sage,
ni assez intelligent pour le deviner.
Ne plus jamais dire « je t’aime » par compassion, par
peur ou par habitude. Ni afficher ses sentiments comme l’on porte un étendard,
ni en avoir honte. Mes sentiments font ce que je suis.
Ne pas mentir sur l’essentiel, ne jamais avoir peur d’exprimer une
opinion.
Simplement ne pas se renier, en essayant de ne pas blesser ;
voila l’idéal que j’aimerais atteindre.
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