JOURNAL : 4 JUILLET 2016

Canejan

Les enfants sont arrivés hier. Comme à chaque fois je vois la différence entre l’image que je m’étais fait et ce qu’ils deviennent petit à petit. Ils grandissent, vieillissent, ils mûrissent et à chaque centimètre gagné, à chaque jour qui passe mon rôle de père s’amenuise et se transforme.

Ce ne sont pas encore des adultes mais plus du tout des enfants. 

Mon rôle passe de l’autorité à l’exemplarité et il faut que je m’en montre digne. C’est un peu effrayant. Il n’existe pas de modèle type de ce que doit être un père, ni d’école ou l’on peut au moins apprendre les bases, et, moi, je n’ai pas eu vraiment d’exemple à suivre ou à rejeter. 

Je fais comme je peux, surement pas idéal, avec mon passé et mes moyens. Peut être que tous les pères, un jour ou l’autre, se pose ce genre de questions.

Le 16 juillet je les emmène au Big Festival de Biarritz. Ils sont ravis, et moi j’avoue que j’ai un peu peur. Peur du haut de mes cinquante ans de ne pas être à ma place, peut de ne pas être assez « fun » pour eux, peur de croiser M ….

C’est dans des événements comme celui la que sa présence va le plus nous manquer. Bien mieux que moi elle sait s’organiser, bien mieux que moi elle aurait su se mettre au niveau de mes enfants, bien mieux que moi elle aurait su être drôle. 

Quoi qu’il en soit, elle n’est pas la, et même si nous avions encore été ensemble elle ne serait pas venue avec nous. Les sorties « fun » c’était toujours avec ses « amis » et rarement avec moi. 

En conclusion elle ne nous aurait servis à rien.

Encore une fois j’observe le couple Brigitte, François. 

François ne bouge pas plus que les autres fois. 

Enfermé dans sa chambre entre télévision et ordinateur. Il ne se lave pas, ne se change pas, qu’il pleuve ou qu’il fasse beau cela ne change rien pour lui. La météo, dans son monde, c’est un sujet de discussion mais jamais l’occasion de changer le cours de ses journées. 

Rien, il ne fait rien de ses jours. Pas de ménage, pas de bricolage, pas de jardinage, ni ballade ni piscine. Est il heureux comme ça enfermé dans sa caverne et baignant dans sa crasse ? Qu’attend-il de la vie ? Quel événement peut-il le faire changer ?

Si Brigitte venait à mourir avant lui, il faudrait quand même bien qu’il prenne sa vie en main. Est-il fainéant ou juste immature à plus de soixante ans ? Surement un mélange des deux. C’est quand même triste d’attendre la mort comme cela, attendre cloitré, enfermé sur lui-même, sans vraiment d’attention aux autres.

En fait j’en arrive à penser que quelque part il est déjà un peu mort. Il m’arrive encore souvent de regretter mes excès, mais j’ai encore au moins l’impression de vivre, d’exister et de m’ouvrir au monde qui m’entoure.

Il est vrai que je parle de moins en moins. J’ai mesuré à quel point la parole, quand elle est exubérante, devient inutile. J’essaie de parler peu mais mieux. Il est des silences bien plus lourds de sens que de grand discours.

A bien y réfléchir, quel que soit les choix que nous avons fait dans notre vie, quel que soit l’endroit d’où nous venons ou celui ou nous vivons, quel que soit l’éducation que nous ont donnée nos parents et celle que nous donnons à nos enfants, quel que soit nos opinions, nos croyances ou nos religions ; nous vivrons tous ce moment ou le passé ne sera ni fierté ni regret, le présent ne sera ni joyeux ni triste, et ou l’avenir ne sera ni anxiété ni espoir.
 Nous vivrons tous ce moment ou le souffle de la vie nous quittera, et à ce moment précis nous serons tous égaux.