C’est en lisant un petit livre d’Albert Espinosa que cette pensée m’est
venue.
En voyant mourir un être proche nous perdons une partie de l’enfant
que nous sommes, ou une partie de l’enfant qui reste en nous. Chaque décès est
la preuve matérielle que rien, ni personne n’est immuable ou éternel. Notre
raison le savait depuis longtemps mais notre âme d’enfant ne veut ou ne voulait
pas l’admettre. Nous sommes surement nombreux, qui même la quarantaine
passée, voulons garder ce rêve d’éternité
en refusant de voir mourir ou vieillir nos parents.
Je me souviens des pleurs de M devant les faiblesses de sa grand-mère.
Faiblesses bien compréhensible et encore moins étonnante pour une dame de 90
ans.
Je me souviens aussi de la réaction irrationnelle et démesurée de
Caroline à la mort de sa jument. Jument qui était malade depuis de longs mois.
L’une comme l’autre perdait une pierre de ce rempart d’amour et d’affection
qu’elles s’étaient bâtis contre la mort inéluctable de leurs rêves, de leurs jeunesses
et de leurs vies.
La disparition de nos grands parents, et ensuite celle de nos
parents sont comme les chutes des digues. Ces digues qui nous permettaient de
rester encore un peu des enfants. Un peu comme des lignes soldats pendant les guerres
napoléoniennes, si vous voyez le soldat qui était devant tombé, vous savez que la
prochaine balle a de fortes chances d’être pour vous. Ainsi il en va de chaque
décès, il vous fait perdre une attache, un bouclier, un bout d’enfance, et un
bout de notre sentiment d’éternité.
Pour ma part je ne pleure plus depuis longtemps lors d’un décès ou
pendant un enterrement. Surement parce que j’y ai été confronté très tôt dans
mon enfance. J’ai connu la mort avant de connaitre le mot et de pouvoir
réaliser ce que c’était. Avant mes 18 ans j’avais déjà perdu, mon père, deux sœurs,
et trois de mes grands parents. Ma jeunesse et mon adolescence ont été ainsi ponctuées
par les naissances et les décès. A 40 ans il me restait, ma mère, un oncle, et
trois tantes, et comme les soldats d’antan, j’attends la prochaine balle qui
risque d’être pour moi. Si cette balle peut encore protéger mes enfants je l’accepte
avec joie.
Enfin, je me suis promis, après le décès de ma sœur aînée, de ne
plus jamais assister à un enterrement ou n’importe qu’elle cérémonie, car je ne
peux m’empêcher de me poser la question de savoir si les pleurs sont pour le
défunt ou seulement et égoïstement pour la perte de nos illusions et de nos rêves.
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